La célébration conjointe de la Journée mondiale de la Pêche et de la Journée Promotionnelle de la Crevette à Kribi le 21 novembre 2024 a mis en lumière un secteur souvent négligé mais crucial pour l’économie camerounaise : la filière crevettière.
Derrière les plats savoureux et les exportations lucratives se cache une industrie qui façonne l’économie locale et le tissu social de régions entières.
« La crevette n’est pas seulement un produit, c’est un moteur économique », déclare Pierre Nolasque Meke Soung, Directeur Général de la Société Camerounaise de Crevetticulture (SCCAM).
Les chiffres parlent d’eux-mêmes : une production annuelle dépassant les 10 000 tonnes, des revenus de plus de 58 millions USD, et environ 11 700 emplois directs. « Notre croissance est exponentielle« , ajoute Meke Soung, « nous avons plus que doublé notre production depuis 2021 ».
Cette croissance rapide a des répercussions profondes sur les communautés côtières. À Kribi, ville hôte de l’événement, l’impact est palpable. « La filière crevettière a transformé notre ville », témoigne Marie Ngono, pêcheuse locale. « Il y a dix ans, nous luttions pour joindre les deux bouts. Aujourd’hui, nos enfants vont à l’école et nous pouvons investir dans de meilleurs équipements ».
Cependant, cette success story n’est pas sans défis. La surpêche et les changements climatiques menacent la durabilité de l’industrie. C’est là qu’intervient le projet FISH4ACP, une initiative ambitieuse soutenue par l’Union Européenne et l’Allemagne. « Notre objectif est de garantir que cette croissance soit durable et profite à tous », explique le représentant de la FAO présent à l’événement.
L’accent mis sur l’inclusion est particulièrement notable. Les femmes, qui représentent 40% de la main-d’œuvre dans le secteur artisanal, sont au cœur des efforts de modernisation.
« Nous voulons briser les barrières qui empêchent les femmes d’accéder aux ressources et au financement », affirme le préfet du département de l’Océan, représentant le Ministre de l’Élevage, des Pêches et des Industries Animales.
L’impact de la filière s’étend bien au-delà des zones côtières. À Yaoundé, la capitale, les restaurants spécialisés en fruits de mer fleurissent, créant une nouvelle niche dans l’économie urbaine. « La demande pour nos plats à base de crevettes a explosé ces dernières années« , note Paul propriétaire d’un restaurant populaire.
Cette croissance a également stimulé les investissements dans les infrastructures. De nouvelles routes et installations de stockage frigorifique ont vu le jour, bénéficiant non seulement à l’industrie de la crevette mais aussi à d’autres secteurs de l’économie.
Alors que le Cameroun cherche à diversifier son économie au-delà du pétrole et du cacao, la filière crevettière émerge comme un modèle de développement durable et inclusif. « C’est un exemple parfait de la façon dont un secteur peut stimuler le développement économique tout en préservant l’environnement », conclut le représentant de la FAO.
La célébration à Kribi n’était donc pas seulement une reconnaissance du passé, mais aussi une projection vers un avenir où la petite crevette pourrait bien jouer un rôle majeur dans la transformation économique du Cameroun.