Quand on voit la place prépondérante que le débat footballistique prend dans la conversation de la jeunesse lettrée camerounaise dans les réseaux sociaux, on se demande comment a pu s’ évaporer cet éveil voire cette conscience éveillée et ouverte sur le monde, la politique, la science, la culture, dans laquelle baignait la jeunesse de ce pays il y…50 ans.
Sans céder au passéisme, il est notoirement connu que dans les établissements secondaires d’ alors, CoSaCo à Makak où nous étions, à Liberman a Douala, a Vogt à Yde, à Libamba et j’ en passe, la jeunesse vibrait aux échos des luttes de Martin Luther King, Black Panthers, Malcolm X, Mandela, Lumumba, Angela Davis… Je me souviens de ce jour où Radio Brazzaville a annoncé la mort de Ossende Afana; à l’internat à Makak, nous pleurions au dortoir..
A l’ Université à Ngoa Ekelle plus tard, sous la houlette des Professeurs Tchuidjang, Martien Towa, Melone et autres, c’ était les débats enflammés sur l » antagonisme Sékou Touré vs Ouphouet Boigny, le décrochage du dollar par rapport à l’ or décidé par Richard Nixon, les variations du communisme , sovietisme, trostkisme, maoïsme , les différences doctrinales s entre keynésianisme et monetarisme… Et le débat se prolongeait même hors du campus, dans les cafés en ville. Nous n’ avions pas de télé. Il n’ y avait qu’ une seule radio et un seul quotidien très contrôlés. On était accroché à France Inter, la Voix de l’ Amérique, Radio Mouscou, Radio Pékin, Radio Brazzaville émettant en ondes courtes, et…Salut les Copains quand même.
Le produit de ce système plutôt corseté aura été une jeunesse d’ intellectuels arrimés aux débats et causes universelles.
D’ où vient – il qu’ aujourd’hui, malgré la grande ouverture informationnelle qu’ offre les réseaux sociaux, le débat entretenu par la jeunesse camerounaise ne porte que sur Eto’o fils, le foot ball, l’ état pelouse de Japoma ou de Bepanda…et j’ en passe ? Cette jeunesse peut-elle être sensible au génocide des Palestiniens par l’ État juif en cours à GAZA, à la grande entourloupe qu’ est l’ APE, à l’ incurie de la politique économique de ce pays et qui se traduit par un nouveau veau de chômage stratosphérique et des conditions d’ existence de plus en plus criardes de la grande majorité de la population? Cette jeunesse peut elle manifester contre une politique fiscale de racket sans contre-partie d ‘ offre de service public ?
Où est cette jeunesse dont la vitalité de l’ esprit et de l’ engagement peut indiquer une capacité à comprendre les défis de ces temps et à les surmonter.
Le niveau et les sujets des débats tels que celà s’ observe dans les réseaux sociaux sont pour moi un motif d’ inquiétude sur ce que pensent les partisans du » Jeunisme » pour qui être jeune est synonyme de compétence, de probité, d’ une ouverture d’ esprit aux problèmes du monde et surtout de la capacité à les résoudre.
A mon humble avis, il y a encore du chemin à parcourir pour que cela soit le cas. En tout état de cause, c’ est par le partage de l’ expérience avec la génération qui l’ aura précédé que ce « cognitive gap » peut être comblé par et pour la jeunesse camerounaise actuelle.
Et une question me taraude l’ esprit: y a-t-il encore une possibilité de transmettre cette flamme de l’ universalisme qui nous a sorti de la » sauvagerie » que l’ on impute au modèle traditionnel ancien parce qu il était replié sur lui même ?
That is the question.
Sa Majesté Célestin Bedzigui
Président du PAL
Maire A1 de Monatele
Candidat à l’ élection présidentielle de 2025 au Cameroun