À l’approche de la 12e élection présidentielle prévue le 12 octobre 2025, les programmes économiques des candidats suscitent une attention particulière. Le cabinet camerounais Global Intelligence Ltd et son partenaire canadien ACXED Consulting, Inc. ont lancé une série d’analyses pour scruter les propositions économiques des douze candidats en lice. Pour cette première étude, c’est le projet de Cabral Libii, président du Parti Camerounais pour la Réconciliation Nationale (PCRN), qui est passé au crible.
Un programme axé sur l’industrialisation et la souveraineté économique
Cabral Libii, âgé de 45 ans, revient sur la scène présidentielle après une première tentative en 2018, où il avait obtenu 6,28 % des suffrages. Cette fois-ci, son programme économique repose sur trois piliers majeurs : l’industrialisation, le rôle stratégique de la diaspora et une quête de souveraineté économique.
L’objectif principal du PCRN est de redynamiser l’économie camerounaise en misant sur une approche de proximité : un État facilitateur, une fiscalité allégée pour les PME et startups, et une commande publique orientée vers les entreprises nationales compétitives. Cabral Libii ambitionne de faire du Cameroun l’« usine de l’Afrique », avec un plan d’industrialisation structuré autour de filières stratégiques telles que l’agro-industrie, la pétrochimie, le textile, la production pharmaceutique et les matériaux de construction.
Le programme prévoit également la création de zones économiques spéciales, offrant des régimes fiscaux attractifs pour attirer les investissements et dynamiser l’emploi. Objectif affiché : 3 millions d’emplois pleins et décents en cinq ans, s’appuyant sur des secteurs clés comme le numérique, l’agriculture, le sport et le foncier.
La diaspora comme levier stratégique
Le PCRN place la diaspora camerounaise au cœur de son projet de développement économique. Cabral Libii prévoit de faciliter le rapatriement des capitaux avec des incitations fiscales et des démarches simplifiées pour encourager l’entrepreneuriat. Parmi les mesures phares, figurent la création d’un Haut-Commissariat à la Diaspora, d’un Fonds d’investissement garanti par l’État, et la reconnaissance de la double nationalité. Cette stratégie vise à intégrer la diaspora comme acteur d’innovation, de mentorat et d’investissement pour renforcer le rayonnement économique et culturel du Cameroun à l’international.
Un programme ambitieux, mais des défis majeurs
Si le programme du PCRN séduit par sa vision volontariste et sa focalisation sur la transformation locale des richesses, plusieurs défis de faisabilité se posent. L’ambition de créer 3 millions d’emplois et d’industrialiser massivement le pays nécessitera des investissements colossaux. À titre indicatif, le coût annuel de ce programme est estimé à 8 000 milliards de FCFA, un montant qui soulève des questions sur les sources de financement et la soutenabilité budgétaire.
De plus, le désengagement de l’État, prôné par le PCRN, pourrait paradoxalement limiter l’efficacité des politiques de soutien aux entreprises locales. Le risque d’un sur-protectionnisme est également évoqué, avec la crainte que les filières protégées ne deviennent dépendantes des aides publiques.
Enfin, la multiplication des exonérations fiscales pourrait grever les recettes publiques et entraîner l’État dans une spirale d’endettement si la croissance économique escomptée n’est pas au rendez-vous.
Le programme économique de Cabral Libii s’inscrit dans une dynamique ambitieuse visant à repositionner le Cameroun comme une puissance industrielle et économique africaine. Cependant, sa réussite dépendra d’un financement clair, d’une gouvernance efficace et d’une exécution rigoureuse. À un an de l’échéance présidentielle, les Camerounais attendent des réponses concrètes sur la faisabilité et les impacts réels de ce projet.
Fabrice SIEWE