La question s’impose d’elle-même, en découvrant le titre de l’album : qui se trouve donc derrière le masque d’Henri Dikongué ? “C’est moi”, répond sans détour et en riant Diklau – comprenez Laurence Dikongué –, l’épouse du chanteur camerounais dont le nom est cette fois pleinement associé au projet. “C’est la première fois qu’on travaille ensemble sur la totalité de la création, composition musicale et écriture des textes”, précise la comédienne qui avait prêté sa voix en 2016 au morceau Diaspora, abordant (déjà) la question de ces Africains quittant leur continent à leurs risques et périls.
En arrière-plan, elle intervenait aussi depuis longtemps sur les chansons de son mari, en particulier celles en français, “de manière à ce que ça convienne à tout le monde ou que ce soit plus fluide”. Mais jamais elle ne lui avait montré sa production personnelle. “Même s’il savait que j’écrivais, je ne lui faisais pas lire”, reconnait-elle. Jusqu’au jour où elle lui a présenté Petit frère et Passe temps, qui figurent sur l’album… sans lui dire tout de suite de qui ils étaient !
Dans la nuit, Henri Dikongué a composé les musiques et tous deux ont alors réalisé que le moment était probablement venu de formaliser leur association artistique en la développant tout au long d’un album, conçu au fil de l’eau. “Beaucoup de titres rendent hommage à des gens que l’on a connus et qui nous ont inspirés”, observe a posteriori Diklau, qui avait toutefois à cœur que “chacun puisse s’approprier ces chansons selon son vécu” en leur donnant “une dimension universelle”. D’où ces refrains en espagnol ou en anglais que l’on entend çà et là, ou encore la diversité de styles recherchée pour les voix, avec l’invitation faite au rappeur José Shungu sur Passe temps.
Musicalement, Henri Dikongué explique avoir décidé de donner “sciemment” davantage de présence au piano, lui qui a la guitare pour instrument de prédilection. “Chaque album a sa couleur”, insiste-t-il. Celle de Derrière ton masque fait écho aux concerts qui ont suivi son album précédent. Une envie de son live, restituée en faisant jouer ensemble une grande partie des musiciens en studio et en capturant ce résultat “plus vivant”. Avec, pour l’auditeur, une impression de proximité qui non seulement sert le répertoire du couple Dikongué mais souligne aussi un peu plus les qualités de mélodiste de l’auteur de C’est la vie, son titre emblématique sorti en 1998 – il a célébré durant la pandémie ses 25 ans de carrière dans son pays natal avec des concerts à Douala et Yaoundé.
S’il revendique pour Derrière ton masque une fabrication “artisanale”, ce Bisontin d’adoption arrivé en France depuis près de quatre décennies n’en reste pas moins aussi méticuleux qu’exigeant, avec lui-même comme avec les autres, qu’il sait “amener avec leur créativité à un point qui correspond à ce qu’il a en tête”, remarque Diklau. “Il faut qu’il y ait l’âme de chacun”, complète ce faiseur de chansons. Le sens du partage.
Henri Dinkongué : Facebook / Instagram / YouTube
Henri Dinkongué & Diklau, Derrière ton masque (Jazz Out Prod) 2023