Depuis quelque temps, j’observe avec attention le chemin parcouru par le Bénin. Tout a commencé pour moi avec les Vodun Days. Cet événement marquait déjà un changement de narratif. Puis se sont succédé l’ouverture du Sofitel Cotonou, la présence remarquée du pays à l’Exposition universelle d’Osaka, des campagnes relayées dans plusieurs médias internationaux et, plus récemment, un numéro spécial de Forbes Afrique (août-septembre 2025) consacré au Bénin. Chaque initiative s’est inscrite dans une continuité, comme les pièces d’un domino soigneusement aligné. Jusqu’à ce moment fort : le dévoilement de l’identité visuelle de la marque-pays du Bénin, « Un Monde de Splendeurs ».
Communiqué de presse du gouvernement beninois
En tant qu’acteur de la promotion touristique et culturelle du Cameroun, je ne peux m’empêcher de poser la question : et nous ?
Nous avons déjà une identité connue « Africa in Miniature ». C’est un slogan beau et évocateur, mais essentiellement descriptif. Ce qu’il nous manque encore, c’est une vision claire et partagée, capable de fédérer nos forces et de projeter une image cohérente et ambitieuse au monde.
Qu’est-ce qu’une marque-pays ?
Une marque-pays n’est pas un logo ni un simple slogan touristique. Comme le rappelle Simon Anholt, inventeur du Nation Brands Index, « une marque-pays n’est pas un logo, mais ce que le pays fait et incarne réellement ».
En sciences politiques, cela rejoint la notion de soft power développée par Joseph Nye : l’influence d’un pays dépend de sa capacité à séduire et à attirer par ses valeurs, sa culture et son image. Keith Dinnie, auteur de Nation Branding: Concepts, Issues, Practice, insiste également sur l’importance d’une approche transversale alignant diplomatie, commerce, tourisme et culture.
Les leçons des autres
La Nouvelle-Zélande n’a pas été la toute première à travailler sur le concept de marque-pays, mais elle reste l’un des cas pionniers les plus emblématiques et les plus cités. Dès 1999, elle a lancé 100% Pure New Zealand, une campagne d’abord centrée sur le tourisme, devenue au fil du temps une référence mondiale pour sa cohérence et sa longévité. En 2013, avec New Zealand Story, le pays a franchi une nouvelle étape en élargissant sa stratégie à l’innovation, au commerce et à l’éducation, faisant de son image un levier transversal et durable.
D’autres exemples sont également éclairants :
- L’Afrique du Sud avec Brand South Africa (2002) et son slogan Inspiring New Ways.
- Le Kenya avec Magical Kenya, mais aussi une agence dédiée, KEPROBA, qui relie commerce, innovation et image nationale.
Ces expériences démontrent que le nation branding n’est pas une opération ponctuelle, mais une politique publique de long terme, suivie et évaluée à l’échelle internationale, notamment par Brand Finance et l’Anholt-Ipsos Nation Brands Index.
Le défi camerounais
Comparer le Cameroun au Bénin est un exercice délicat. Là où le Bénin a su structurer sa stratégie autour de piliers clairs, le Cameroun se confronte à une réalité plus complexe.
Notre diversité culturelle – souvent résumée par « Africa in Miniature » – est à la fois une richesse et un défi. Avec plus de 250 ethnies et traditions enracinées, concevoir un récit fédérateur n’est pas simple. Mais cette complexité peut devenir une singularité. La difficulté de « faire simple » pourrait devenir l’opportunité de « faire unique ».
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La société civile ouvre déjà la voie
Le 12 septembre 2025, le Groupement des Acteurs des Industries Culturelles et Créatives du Cameroun (ACTICCC) a présenté aux douze candidats à la présidentielle un plaidoyer inédit : le Pacte culturel pour le Cameroun.
Ce document, structuré en dix axes, propose notamment :
- d’inscrire la culture dans la Constitution et de créer un Conseil national de la culture ;
- de soutenir les industries créatives avec un fonds d’investissement dédié ;
- de développer un réseau de « Cités de la Culture » ;
- de former les créateurs aux nouvelles technologies (IA, VR, NFT) ;
- de reconnaître un statut juridique et social aux artistes ;
- d’intégrer la culture dans l’éducation et la formation ;
- de protéger et numériser le patrimoine ;
- de promouvoir une diplomatie culturelle ambitieuse.
Ce pacte prouve une chose essentielle : les idées existent déjà. Il reste à leur donner une impulsion nationale et à les intégrer dans une stratégie cohérente de nation branding.
Et demain ?
L’un des chantiers majeurs des prochaines années doit être la construction de la marque Cameroun. Pas comme un supplément d’âme, mais comme un outil stratégique, au service de l’attractivité économique, du rayonnement international et de la fierté nationale.
La question est ouverte : quelle doit être la marque Cameroun demain ? Une terre d’opportunités ? Le champ des possibles ? Une Afrique en miniature réinventée ?
Loic Abondo