Le gouvernement camerounais a dévoilé son projet de loi de finances pour 2026, marquant une étape historique avec un budget colossal de 8 816,4 milliards de FCFA. Cette enveloppe, en hausse de 14% par rapport à 2025, illustre les ambitions de l’État dans un contexte économique mondial et régional encore incertain. Une démonstration de volontarisme qui ne masque pas les défis colossaux, notamment le poids de la dette et la dépendance à une mobilisation optimale des recettes.
Une ambition budgétaire dans un contexte de fragilité économique
Avec une augmentation de 1 080,5 milliards de FCFA, le budget 2026 est le plus important de l’histoire récente du Cameroun. Selon le document officiel, cette projection a été élaborée dans un climat marqué par « l’instabilité à l’échelle internationale et des tensions internes persistantes ». La croissance mondiale, bien qu’en légère amélioration, devrait en effet se limiter à 3,1% en 2026, un rythme modeste qui impose une prudence certaine.
Le pari camerounais repose sur des perspectives de croissance nationale solides, projetées à 4,3% pour 2026, largement portées par le dynamisme du secteur non pétrolier. Cette performance devrait surpasser celle de la sous-région CEMAC, anticipée à 3,3%. En revanche, le secteur pétrolier, pilier traditionnel de l’économie, devrait connaître une légère contraction de -0,1%, confirmant la nécessité de diversifier les sources de croissance.
La structure du budget : une montée en puissance générale
L’analyse détaillée du budget révèle une progression sur tous les fronts :
· Le budget général est porté à 8 683,9 milliards FCFA, soit une augmentation de 13,2% (+1 014,9 milliards FCFA).
· Les Comptes d’Affectation Spéciale (CAS) connaissent une hausse spectaculaire de 98,1%, pour atteindre 132,5 milliards FCFA. Cette envolée interroge sur la nature des projets spécifiques qui seront ainsi financés en dehors du budget classique.
Le financement : la pression accrue sur les recettes internes
Pour atteindre cet objectif record, le gouvernement table sur une augmentation de 8,3% des recettes internes, qui sont projetées à 5 887,0 milliards FCFA. La stratégie de financement repose sur un cocktail de ressources :
· Recettes fiscales : 523,7 milliards FCFA
· Recettes douanières : 889,5 milliards FCFA
· Recettes non fiscales : 400,8 milliards FCFA
· Dons : 73,8 milliards FCFA
Cette projection optimiste place une lourde responsabilité sur l’administration fiscale et douanière, dont la performance sera cruciale pour l’équilibre des comptes.
Le fardeau de la dette : une épée de Damoclès
Si les ambitions affichées sont fortes, la contrainte budgétaire la plus sévère reste le service de la dette publique. Pour 2026, les lignes budgétaires y afférentes sont éloquentes :
· Service de la dette (amortissement) : 210,5 milliards FCFA (dont 156,4 milliards pour la dette extérieure).
· Charges d’intérêts : 532,5 milliards FCFA.
À eux seuls, ces postes représentent une ponction massive sur les ressources de l’État, dans un pays déjà confronté à des « tensions de trésorerie et à des arriérés de paiement », comme le reconnaît le document budgétaire. Cette situation soulève des questions sur la soutenabilité de l’endettement à long terme.
Le budget 2026 du Cameroun dessine une trajectoire de relance ambitieuse. Cependant, son succès est tributaire de plusieurs impératifs non-négociables. Le gouvernement devra impérativement :
1. Renforcer la gouvernance budgétaire et l’efficacité de la dépense publique.
2. Limiter les dépenses non prioritaires pour préserver les investissements structurants.
3. Rationaliser les emprunts afin d’éviter un alourdissement dangereux du fardeau de la dette.
Ce budget record est donc un double message : celui d’une confiance affichée dans les capacités de résilience de l’économie camerounaise, mais aussi un rappel des vulnérabilités qui persistent. Son adoption et son exécution seront scrutées à la loupe par les partenaires techniques et financiers du pays, ainsi que par les acteurs économiques nationaux, qui attendent des actes concrets pour consolider une reprise encore fragile.




