[CONCERT] « JAM »: Le Récital passionné d’Armand Biyag

25° à Yaoundé, grincheux en début de journée, le climat est quelque peu clément cette fin d’après-midi du 19 Mai 2022. Dans les ruelles du centre-ville, une sécurité renforcée en prélude aux festivités de la fête nationale. À moins de 500 mètres, une retraite aux flambeaux pas comme les autres se prépare dans la salle des Arts de l’IFC. Le public dans le hall, impatient de découvrir sur scène, un extraterrestre 👽 pas comme les autres: Armand Biyag. En affiche et pendant 1h26 minutes, l’artiste nous a permis de faire un saut dans le temps: Analyse d’une performance.

L’auditoire aura répondu présent ce Jeudi soir, entre curieux, Journalistes, Promoteurs culturels, Artistes (Queen Eteme, Roger Saning, Markus notamment) inconditionnels de la dernière heure, ils ont tenu à assister à ce plateau spécial, à l’occasion de la sortie du troisième album d’Armand Biyag.

19h12 minutes, le répertoire est ouvert sur « Africa Rising ». À la voix et aux claviers, Armand nous propose une brise douce qui identifie immédiatement ses influences en tant qu’artiste: Je croirai entendre mélodieusement Richard Bona sur « Muntula Moto » qui date de 22 ans, extrait de l’album « Révérence ».
Un spectacle riche en émotions, un partage de polyphonies, du #Makounè au #Blues, le polyinstrumentiste @ArmandBiyag nous fait voyager dans le temps sans vaisseau spatial à @IFCameroun 🇨🇲🌍🎷🎸 @doualanow @MyriamZouga @ChristineOn4 #ConcertArmandBiyag pic.twitter.com/5BADkK5i3V
— Manfred Essome (@Reporter4Music) May 19, 2022
Dans cette vitre sonore, il nous invite à une célébration de l’écoute, et nous immerge au coeur de sa matière: Une musique fusionnelle à travers « Environment Peace » et « Saï Mbog ». Deux choses captent mon attention: L’usage appuyé du saxophone 🎷 joué par Flobert Wandja, et son passage d’un instrument à un autre (du clavier au balafon) avec une extrême dextérité ! À l’écoute, je me croirai dans un village perdu dans nos forêts, grâce à une création où une musique électroacoustique contraste avec la mixte traditionnelle.
@ArmandBiyag démarre sur une composition exotique emmenée entre la #Soul et le #Jazz à la façon @BonaRichard, pour une entrée toute en douceur & lumières @doualanow @IFCameroun @YannLorvo @ChrisGuilhou #ConcertArmandBiyag #Yaoundé @gaelle_wondje @MusicInAfrica pic.twitter.com/AJdoR4iIoB
— Manfred Essome (@Reporter4Music) May 19, 2022
Pour offrir un regard panoramique, porté vers une multiplicité d’univers sonores qui se déploient sur scène, à la croisée des générations. Armand s’essaie à l’ouverture aux sensibilités et au patrimoine national par du Bikutsi, avec des guitare 🎸 basses quelque peu rock, qui me rappellent les époques Ntondo Mbeu, Govinal, et le groupe mythique des Têtes Brûlées (Sai Mbog).
Cette marche sonore m’intrigue sur le titre « JAM » dont la voix aiguë et mystique de Parfait Bell (Guitare) épouse le doigté d’Armand qui produira du son, à l’aide de ses deux mailloches (maillet utilisé pour frapper sur la percussion du Balani, si vous voulez le Balafon). Le saxophone de Flobert rendait la composition, spirituelle.
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On aurait dit Lobi Traoré, Afel Bocoum ou encore Ali Farka Touré, à la façon Shongai ou Le hollo-horey (culte du vaudou) chez les Bella, le Gambéré chez les Soninké, le Assouf aussi appelé blues touareg car créé dans un sentiment de solitude inhérent aux exils multiples qu’a connu ce peuple.
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L’un des temps forts du concert, sera l’interprétation du titre « Papa » où il rend hommage à son père, par une composition très lourde. Moment riche émotions, Armand Biyag fond en larmes.

Avant de venir à ce concert, j’avais jeté une petite oreille et coup d’oeil à son nouveau répertoire et avait donc compris que son nouvel album était en Bassa, Français, & Duala.
Même si je n’ai pas eu trop de difficulté pour comprendre les textes dès la première écoute, qui sont dans la lignée de ses précédents. Entre les morceaux des anecdotes, sa vie, son expérience, avec toujours ce mélange de fausse timidité et de sincérité qui touche en plein coeur. Virtuose au piano comme il est aussi sur d’autres instruments, on l’écoute sans lassitude sur scène.
À mes yeux, le spectacle est bien évidemment bien construit, avec ce qu’il faut d’événements et d’artifices, comme ce gang d’instrumentistes, les jeux de lumière, comme cette fausse entracte après laquelle il entame ses sets « Mi Ntug » & « Salag ». Enrobés dans une omniprésente du Makounè, une musique initiatique en pays Bassa, et à la fois une danse.
Sa musique ressemble à une tension sombre et vivante grandissante, jusqu’à l’explosion. Fusionnant parfaitement les riffs post-modernes nerveux avec un flow vocal obsédant. Obsédant comme la voix de Gaëlle Wondje son épouse, elle aussi chanteuse, amoureuse de Jazz qui vient le rejoindre sur scène, pour interpréter l’un des classiques du légendaire Manu Dibango « Aye Africa » (titre chanté avec Douleur, extrait de son album « Mboa’Su Kamer Feelin’). Armand Biyag s’en donne à cœur joie : la puissance du live s’amplifie encore et encore, la frénésie scénique du groupe alimente l’hystérie collective. L’atmosphère est moite et électrisée, et en profite pour enchanter les premiers rangs en taquinant la scène.

Durant ce moment, il semble impossible alors de contenir les plus fougueux qui les uns après les autres reprenaient en cœur le refrain, pour un petit moment de gloire ou juste pour un stage diving. Impossible de ne pas chanter en chœur de tels set. Le show est passionnant, la joie est aussi irrépressible que communicative sur le dernier tablier « Nléla » en compagnie de Frank NGOUMA, membre du groupe KUNDÈ. Frank bondit à gauche et à droite comme un kangourou fou, en dessinant les pas de danse MAKOUNÈ, tourbillonnant au-delà de tout entendement, tapant dans les mains des chanceux spectateurs de tous les rangs, applaudissant. L’âge ne semble pas avoir de prise sur Armand Biyag. Sa présence scénique est d’un magnétisme unique, il occulte l’ensemble de la scène, qui semble trop petite à présent.

Armand le sait bien : il est en terrain conquis. Entre amis, presque. C’est donc détendu qu’il a abordé la prestation tout comme ses musiciens, et la bonne humeur qui a été le fil rouge le long de cette soirée, découpée en deux excellents sets où le Makounè est roi et le saxophone 🎷 était reine. De Yaoundé à Valparaiso, c’était un concert à ne pas rater !
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